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Proceedings of the 18
th
International Conference on Soil Mechanics and Geotechnical Engineering, Paris 2013
bâtiment existant n’aurait pas du tenir pendant 40 ans sans
déformations significatives, ce qui n’était à l’évidence pas le
cas.
Nous avons donc été conduits à développer plusieurs
approches en rétro-analyse (comparaisons entre les charges
appliquées au cours de la vie de l’ouvrage et les capacités
portantes théoriques, estimation du tassement réel subi par la
construction…). Ces approches ont permis de réévaluer les
propriétés géotechniques des terrains, et en pratique de les
majorer par rapport aux résultats déduits des essais, ce qui a
conduit à limiter le nombre de pieux existants à renforcer de
façon lourde : la proportion de pieux qu’il a ainsi été décidé de
renforcer est passée de 90% à 40 % environ.
Enfin nous avons examiné différentes conceptions de
fondations pour la nouvelle structure, incluant soit des
renforcements de pieux existants soit des fondations nouvelles,
lorsqu’on avait un déficit de portance. Toutes ces solutions ont
été étudiées en s’assurant de la compatibilité des déformations
entre les différents types de fondations, et de l’incidence des
phases provisoires (notamment la perte de portance provisoire
lors de réalisation de jet-grouting, avant prise du coulis).
Le projet de base prévoyait de réaliser 4 à 6 micropieux
autour de chacun des pieux présentant une portance insuffisante,
avec une semelle de répartition liaisonnée aux pieux. Ces
micropieux étaient destinés à reprendre tout ou partie de la
différence de charge ramenée par la superstructure aux poteaux
supportés par la fondation profonde. Cette solution bien que
classique présentait néanmoins le désavantage :
-
de multiplier les forages ;
-
de nécessiter une semelle de forte épaisseur avec un
ferraillage lourd afin de répartir correctement les charges et
pouvoir ainsi solliciter les micropieux de rigidité bien
moindre que celle des pieux.
Par ailleurs, elle ne permettait pas de tenir le planning imposé et
dépassait le budget prévu initialement.
Ainsi, forts de l’expérience du chantier des entrepôts
Calberson, Boulevard Mac-Donald à Paris, il a été décidé
d’examiner une solution de confortement des pieux par jet-
grouting. Après analyse de diverses solutions (solution mixte
« micropieux + traitement de la pointe des pieux » - et solution
de simple traitement en pointe), l’entreprise générale en charge
de l’opération a opté pour la réalisation de deux colonnes de jet
de renforcement de part et d’autres des fondations et de
diamètre variable (entre 80 cm et 120 cm selon la profondeur)
en prenant soin de rester au-dessus de la pointe des pieux
existants selon le schéma de la Figure 4
.
Figure 4 : principe du confortement par jet-grouting
Cette solution permettait de conserver la résistance en
pointe pendant les travaux. Seule une perte de frottement a été
prise en compte dans les calculs pendant la phase de jet-
grouting proprement dite.
Le calcul de la fondation définitive a été mené en
considérant que l’ensemble « pieu + jet » formait un monolithe
permettant de recalculer ainsi le pieu renforcé avec une surface
en pointe et un périmètre frottant majoré tout en vérifiant la part
de charge passant dans le jet et la part de charge passant dans le
pieux pour chaque section, à partir des raideurs relatives de
chacun des matériaux.
La réussite de cette solution tenait principalement dans le
bon accrochage entre pieux et colonnes de jet. Le planning ne
permettant pas de mettre en œuvre un essai de chargement
préalable, des colonnes d’essais de jet ont été néanmoins
réalisées sur des pieux abandonnés puis dégagées sur 3,00 m de
hauteur pour un constat visuel du contact pieu-jet et du diamètre
des colonnes, qui s’est avéré tout à fait satisfaisant. Le
frottement pieu-jet adopté était au final de q
s
= 500 kPa.
Cette solution novatrice a permis de réutiliser les fondations
existantes après traitement en vérifiant à la fois la portance et la
compatibilité des tassements avec les impératifs de déplacement
imposés par la structure.
5 SYNTHÈSE ET MÉTHODOLOGIE DE CONCEPTION
Le retour d’expérience de ces trois projets met en évidence une
approche géotechnique spécifique, qui doit impérativement
passer par les différents stades suivants :
-
Etat des lieux et diagnostic des fondations existantes : type,
géométrie, résistance intrinsèque, à partir de l’exploitation
de données d’archives, d’investigations géophysiques (non
destructives) et de reconnaissances destructives. Cette
analyse doit intégrer également un diagnostic de l’état de
l’ouvrage pour apprécier s’il a subi des dommages passés ;
-
Analyse des descentes de charges sur les fondations, depuis
l’état ancien jusqu’à la construction future, sans oublier les
phases provisoires de chantier de réhabilitation ;
-
Analyses géotechniques de la portance admissible des
fondations existantes (intégrant les règlementations en
vigueur), et donc des éventuels déficits de charge à
reprendre pour l’état futur, ainsi que des déformations
qu’elles ont pu subir par le passé ;
-
Étude de différents scénarios pour la reprise de ces déficits,
en envisageant plusieurs solutions combinant les fondations
existantes, éventuellement à renforcer, et des fondations
nouvelles à créer (pieux, micropieux ….) ; des plots d’essais
en vraie grandeur sont souvent nécessaires à ce stade pour
valider le choix des solutions et préciser le comportement en
terme de raideur notamment ;
-
Choix final des solutions, avec dimensionnement détaillé
des différents systèmes : fondations anciennes conservées,
renforcements et fondations nouvelles. Ce choix doit
impérativement prendre en considération les conditions
pratiques de mise en œuvre (travail en sous sols
notamment), les compatibilités de déformations entre ces
différents systèmes et l’histoire du chargement, y compris
les phases intermédiaires de chantier.
-
Et enfin un suivi géotechnique rigoureux du chantier, avec
en particulier une attention toute particulière apportée aux
mesures de déplacements de la structure conservée pendant
l’exécution des fondations nouvelles et les traitements de
terrain, afin de s’assurer que les travaux de fondations
n’engendrent pas de désordres sur la structure existante.