Actes du colloque - Volume 3 - page 72

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Proceedings of the 18t
h
International Conference on Soil Mechanics and Geotechnical Engineering, Paris 2013
difficultés d’interprétation, suite aux nombreux biais physiques :
changement thermique de l’eau canalisé, rayonnement, pluie,
perte de signal dans les soudures ou les rayons de courbure trop
courts. Ce premier bilan montre l’importance de la difficulté, du
temps et des moyens qu’il faudra développer, pour aboutir à une
surveillance fiable. Cependant le fort enjeu de sécurité justifie
les nombreux efforts pour surmonter ces difficultés. EDF veut
améliorer la sureté des aménagements les plus sensibles, en
démontrant une détection précoce, un diagnostic fiable et une
intervention préventive minimisant le coût la réparation.
Depuis, EDF, maître d’ouvrage, développe et valide
méthodiquement cette métrologie (Fry 2004).
Cet article introduit le principe de cette maintenance
préventive, montre les principaux résultats de qualification et
évoque le déploiement opérationnel de cette technologie.
2 LA MAINTENANCE PREVENTIVE
2.1
La mesure par fibre optique
Le principe consiste à envoyer un rayon lumineux de laser dans
une fibre optique standard, dont les défauts installés à pas
régulier, souvent 1 m, vont rétrodiffuser le signal, qui sera
analysé par un interrogateur optoélectronique et identifié par
son temps d’aller-retour et son spectre en fréquence. Les pics du
spectre, dépendant de la température et de la contrainte,
mesurent d’une manière indirecte et surtout répartie la
température et la déformation le long de celle-ci. Les
interrogateurs optoélectroniques disponibles sur le marché
actuellement permettent d’obtenir une mesure tous les mètres,
avec une portée allant jusqu’à 20 à 30 km. En choisissant bien
l’interrogateur et en utilisant des fibres standard télécom
multimodes, la précision est de 0,1°C pour une mesure de
température seule avec un interrogateur Raman et une distance
inférieure à 10 km. A partir d’une fibre optique monomode
contrainte dans un câble, la précision des mesures de
température et de déformation par un interrogateur Brillouin est
de l’ordre de 1°C et de 20μm/m.
2.2
Surveillance active ou passive
La méthode thermométrique initiale de GTC mesure une seule
fois la température. Comme ce n’est souvent pas suffisant, GTC
développe un test de convection forcée, où la température est
imposée par chauffe ou réfrigération (Dornstädter J. 2010). Ce
mode opératoire est appelé méthode active, en opposition à la
méthode passive, consistant à mesurer les températures
naturelles. Le débat, autrefois vif entre les partisans de l’une ou
de l’autre approche, laisse maintenant une place à chaque
méthode.
Johansson (1997) n’utilise que la méthode passive associée
à une modélisation numérique des échanges thermiques. EDF
montre qu’une interprétation simpliste de la méthode passive
dans un milieu non saturé aboutit à un diagnostic faux. Pour
surmonter cette incohérence, EDF développe d’autres modèles
d’interprétation, valables quelle que soit la position de la fibre
optique ou celle de la nappe. Quatre modèles sont
complémentaires (Beck & al. 2010), les deux premiers sont
physico-statistiques, issus de la pratique de l’auscultation, tandis
que les suivants sont basés sur le traitement du signal. La
méthode passive a l’avantage de permettre la surveillance
permanente et d’identifier les fuites à plus d’un mètre de la
fibre. Son inconvénient est de nécessiter la mesure de la
température de l’eau stockée ou canalisée et celle de l’air et un
modèle d’interprétation complexe à plusieurs niveaux de
traitement.
Perzlmaier, Aufleger et Dornstadter (2007) ont été les
précurseurs de la méthode active, en entourant la fibre optique
d’un câble de cuivre chauffé par effet Joule sur une courte
période de temps. La puissance électrique nécessaire est de 3 à
15 W/m. Cette méthode présente l’inconvénient d’être
applicable uniquement à des tronçons limités de digues (< 2
km), d’avoir un faible rayon d’action (< 20 cm autour du câble),
de ne pas permettre une surveillance en continu et de nécessiter
quelques précautions de conception et d’utilisation afin
d’assurer la sécurité du personnel.
2.3
Le concept de maintenance préventive
Le choix d’un système de surveillance par fibre optique n’est
pas justifié sur tous les ouvrages. Une stratégie basée sur
l’évaluation du risque ne montre pas de bénéfice à équiper ni les
grands barrages de bonne conception, dont la sécurité est
assurée par une surveillance habituelle, ni les petits barrages de
risque limité, dont la rupture aurait peu de conséquences. A
l’opposé, un système de détection par fibres optiques apporte un
gain justifié quand l’ouvrage est de grande longueur, sur une
fondation mal connue ou édifié avec une conception non
conforme à l’état de l’art actuel, dont le cout de réparation est
lourd pour le maître d’ouvrage, alors que des zones de faiblesse
sont suspectées sans qu’elles soient localisées, laissant un doute
sur la sécurité dans le temps ou en conditions extrêmes.
Le système de surveillance par fibre optique apporte dans
tous les cas un complément au réseau habituel d’auscultation.
C’est un outil d’aide à la gestion de crise. Que se soit après un
séisme ou une crue, il a la capacité de localiser en temps réel les
zones à risque et donc d’améliorer la gestion des ressources et
d’accroître l’efficacité des interventions.
Le choix de la méthode et du modèle d’interprétation est lié
à la stratégie du maître d’ouvrage : surveillance long terme ou
court terme, pathologies à suivre, gestion du risque sismique. La
mise en place de ce système de surveillance est identique à celui
de la méthode observationnelle, en réunissant quatre
conditions :
1. Les limites admissibles du comportement en
température et/ou en déformation sont évaluées par
modélisation avant d’être mesurées;
2. Le domaine des variations possibles du comportement
thermique ou cinématique est jugé acceptable. Un tel système
d’auscultation n’est installé que si la marge de sécurité est jugée
acceptable, dans le cas contraire il s’agit de programmer en
urgence la réhabilitation;
3. Le programme de suivi est établi pour vérifier si le
comportement réel reste dans les limites admises. La fréquence
d’acquisition est suffisamment élevée pour que le dispositif
puisse détecter l’apparition de toute fuite, vérifier par la
progression du phénomène s’il s’agit d’érosion interne et laisser
le temps de réparer. Le choix de la méthode passive ou active
doit être justifié par rapport à la cinétique des phénomènes
attendus;
4. Un programme d’interventions d’urgence est défini au
cas où le suivi révèle un comportement sortant des limites
admissibles.
L’avantage de la maintenance prédictive est de limiter les
zones endommagées par la détection précoce des pathologies
menant à n’importe quel mode de rupture. Il existe 3 modes de
rupture potentiels : l’érosion externe, l’érosion interne et le
glissement. Chacun de ces trois modes est intercepté par le
système de surveillance à base de fibres optiques de mesure de
température et de déformation. Les mesures de température
repèrent le risque de rupture par érosion et les mesures de
déformation détectent le risque d’instabilité générale. Cela est
bien démontré par les résultats du projet IJkdijk en Hollande
(Koelewijn A. 2010) et (Beck & al. 2010).
3 VALIDATION DE LA DÉTECTION PRÉCOCE DE LA
RUPTURE
L’été 2003, en pleine canicule, la digue de Wilnis se rompt,
quelques heures après une inspection visuelle. La démonstration
est faite que l’inspection visuelle, souvent essentielle à la
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