Actes du colloque - Volume 2 - page 569

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Vers les métamatériaux sismiques
Towards seismic metamaterials
Brûlé S., Javelaud E.
Ménard
Guenneau S., Enoch S.
Institut Fresnel
RÉSUMÉ : Cet article présente le concept des métamatériaux en génie sismique ainsi que le dispositif d’une expérience en vraie
grandeur réalisée avec une source de vibration de type vibrocompactage. La façon la plus simple pour interagir sur une onde sismique
est de modifier les propriétés du milieu de propagation en agissant sur la densité du sol et donc sur la vitesse des ondes. Le concept est
alors de réduire l’amplification des ondes sismiques à la surface libre ou l’effet de site lithologique décrit en ingénierie des ouvrages
en zone sismique. Cependant, une autre façon d’interagir avec le signal sismique consisterait à modifier la distribution d’énergie grâce
à un métamatériau constitué du sol initial et d’une grille de cylindres verticaux vides, forés dans le sol initial.
ABSTRACT: This paper presents the seismic metamaterial concept and the device of a preliminary large-scale seismic test held on a
soil metamaterial using vibrocompaction probes. The most simplistic way to interact with seismic wave is to modify the global
properties of the medium, acting on the soil density and then on the wave velocity. The main concept is then to reduce the
amplification of seismic waves at the free surface, called « site effects » in earthquake engineering. However, we develop here an
another way to counteract the seismic signal by modifying the distribution of the seismic energy thanks to a “metamaterial” made of a
grid of vertical, cylindrical and empty “inclusions” bored in the initial soil.
MOT-CLÉS: métamatériau, test sismique, effet de site, camouflage.
KEYWORDS: metamaterial, seismic test, site effect, cloaking.
1 INTRODUCTION
Des études sont réalisées depuis plus d’une dizaine d’années en
optique sur les métamatériaux, c’est à dire un agencement
ordonné dans l’espace de matériaux en motifs périodiques ou
non avec des propriétés physiques contrastées. Les résultats de
ces travaux sont notamment l’obtention d’un nouvel indice
optique pour ces métamatériaux avec, pour conséquence un
guidage différent et recherché de l’onde électromagnétique les
traversant (Farhat et al. 2012).
Depuis 2006, des chercheurs tentent d’appliquer les mêmes
concepts, par changement d’échelle, aux ondes mécaniques,
telles les ondes sonores ou les ondes sismiques.
L’objet de cet article est d’examiner l’interaction
envisageable sur la propagation d’un signal sismique dans des
géomatériaux que sont les sols dans lesquels ont été incorporés
un réseau d’éléments aux propriétés mécaniques différentes de
celles du matériau d’origine. Il peut s’agir de colonnes en béton,
en argile ou tout simplement de cylindres forés non remplis.
Le principe d’une expérimentation en vraie grandeur est
décrite. Il s’agit d’une lentille sismique de dimension
décamétrique dans un sol argileux dans lequel des colonnes non
remplies ont été réalisées selon un réseau périodique.
2 LES MÉTAMATÉRIAUX
En physique des ondes électromagnétiques, les milieux à indice
de réfraction négatif ont été théorisés par Victor Veselago
(Veselago 1968). La réfraction négative a pour représentation
physique le fait que la vitesse de phase de l’onde est opposée à
la vitesse de groupe. Ces milieux nécessitent une perméabilité et
une permittivité négatives simultanées. Cette double condition
fut difficile à obtenir. En 2000, John Pendry propose un
prototype avec des structures métalliques ou résonateurs, formés
d’anneaux concentriques coupés et de fils métalliques continus
parallèles. Il montre que le réseau périodique de résonateurs
présentait une perméabilité négative autour d’une fréquence de
résonance et que l’arrangement de fils métalliques pouvait aussi
présenter une permittivité négative en basse fréquence (Pendry,
2000). Allant plus loin, Pendry a évoqué la possibilité de
réaliser des lentilles dont la résolution ne serait plus limitée par
les lois classiques de l’optique. En 2006, Pendry et Leonhardt
proposent,
sur
la
base
de
technique
d’optique
transformationnelle, la réalisation d’une cape d’invisibilité
utilisant des métamatériaux, à savoir un agencement ordonné de
matériaux ordinaires, de taille très inférieure à celle de la
longueur d’onde, créant une anisotropie artificielle guidant les
ondes selon des trajectoires courbes, par exemple autour d’une
zone à protéger.
Plusieurs équipes ont démontré depuis que ces prédictions
théoriques étaient réalisables avec des prototypes de super-
lentille et de cape d’invisibilité dans le domaine des micro-
ondes, soit pour des longueurs d’onde de 0,5 à 300 mm. Des
tentatives de réalisation de ces méta-matériaux dans le domaine
infra-rouge et dans le domaine du visible ont été également
proposées avec la rencontre du problème de la dimension des
éléments constitutifs d’un tel matériau. Par exemple, pour une
longueur d’onde dans le domaine visible, retenons 500 nm, la
largeur des motifs métalliques est de l’ordre de la dizaine de
nanomètres.
Dans l’attente d’avancées dans l’industrialisation de ces
micro-éléments, les chercheurs de l’Institut Fresnel ont examiné
avec succès en 2008 les capes d’invisibilité pour des longueurs
d’onde plus importantes, d’ordre métrique, comme les
vaguelettes produites dans une cuve à ondes. Une autre avancée
de l’Institut Fresnel est la réalisation d’une cape d’invisibilité
pour les vibrations dans une plaque en polymère perforée
(Farhat et al. 2012). Citons également les études théoriques
récentes sur l’invisibilité pour les modèles de type diffusion, tel
que celui de la chaleur. Les applications potentielles résident
dans une protection thermique des composants en micro-
électronique par exemple.
Les résultats encourageants obtenus sur des modèles
numériques et des modèles physiques pour les ondes
acoustiques avec des hypothèses d’élasticité parfaite, laisse
envisager des applications dans le domaine des ondes sismiques
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